Différence entre développement personnel et spiritualité

En guise de préambule

Le développement personnel, à l'instar des approches psychologiques classiques, aide l'être humain à mieux fonctionner dans les différents domaines de sa vie : conjugal, familial, professionnel, social, etc. Il regroupe de nombreuses pratiques permettant de compléter son savoir et son savoir-faire, de mieux gérer les situations de stress, d'améliorer les difficultés de concentration ou le manque d'estime de soi, etc. avec pour résultat un gain de liberté, d'autonomie, de puissance créatrice, de qualité relationnelle. Lorsqu'on est impliqué dans le développement personnel ou les approches psychologiques, on peut se former à d'innombrables techniques et toutes ont un intérêt. Mais si ces techniques permettent de développer des talents dans la personnalité, elles n'apportent rien d'essentiel à l'être que nous sommes : on peut faire toutes sortes d’expériences, mais l'être ne change pas.

Pour saisir encore mieux la différence entre développement personnel et spiritualité, nous devons d'abord préciser ce qui constitue la nature humaine, et notamment comprendre la différence entre la personnalité et ce que divers auteurs appellent "l'essence", "le moi réel", "l'être véritable", "le Soi", etc. Considérant que l'être humain est un esprit incarné pour le temps d'une vie dans un corps physique, nous voyons déjà deux aspects de sa nature : son esprit (capable de transcendance) et son corps physique (capable de bouger, se reproduire, veiller à sa survie). Entre les deux, au niveau médian, il dispose également d'un psychisme (capable d'avoir des pensées et des émotions). Le développement personnel s'adresse au corps et au psychisme, mais seul le chemin spirituel s'adresse à l'essence de notre être.

Le développement de la personnalité

Ainsi, dès la naissance, l'être humain dispose d'un corps physique, d'un psychisme et d'un esprit. Que se passe-t-il ensuite ? L'enfant reçoit une éducation, d'abord familiale, puis scolaire, civique, philosophique, sociale, parfois religieuse. Cette éducation lui transmet un savoir et un savoir-faire, mais aussi elle lui impose des règles, des lois, des principes auxquels il devra se conformer pour continuer à appartenir à son groupe. Au fil des années, l'enfant fait des expériences heureuses ou malheureuses et subit (la plupart du temps inconsciemment) de nombreuses influences bonnes ou mauvaises qui le conditionnent à vivre plus ou moins harmonieusement dans le milieu qui est le sien. Il intériorise, en les faisant siennes ou en les rejetant, les règles qui lui ont été inculquées. Nous sommes tous le produit de ce que le monde extérieur a mis en nous depuis vingt, quarante ou soixante ans. Et tout cela, c'est notre personnalité. Rappelons-nous que le mot vient du latin "persona" qui signifie : le masque… Notre personnalité est un masque. Elle n'est pas cet esprit qui a bien du mal à se manifester derrière les voiles, les couches, les artifices de notre personnalité.

Lorsque nous ne sommes pas en contact avec un chemin spirituel, nous ne faisons que développer notre personnalité. Bien entendu, plus notre vie est riche en expériences, mieux la personnalité est capable de s’intégrer dans son milieu familial, social, professionnel. Plus elle devient intelligente, plus elle rencontre de gens, plus elle acquiert de connaissances (donc mieux elle est éduquée), plus elle devient forte, riche, épanouie et plus elle est apte à vivre harmonieusement. C'est là le domaine d'intervention du développement personnel, qui propose aux cabossés de la vie de retrouver un peu de paix, de joie, de prospérité, etc. Pourtant, de quelque nature qu’elle soit, l’éducation (et le développement personnel en fait partie) ne rapprochera jamais personne de l'essence de son être. Il est vrai, cependant, que tout ce que la personnalité a acquis de positif deviendra une nourriture pour l’essence. A une condition : que cet homme ou cette femme s'engage sur un chemin spirituel capable de lui enseigner comment dévoiler son être véritable derrière le masque de sa personnalité.

 

 

Le chemin spirituel : une deuxième éducation

Chaque être humain reçoit une éducation qui forme sa personnalité. Mais cette éducation est exclusivement bâtie sur l'exemple, les impulsions, les pensées, les émotions et les attitudes de ses parents et éducateurs (qui ne sont pas en contact avec leur propre dimension spirituelle) et elle forme des hommes et des femmes conditionnés parce qu'elle s'impose sous une forme d’oppression. Mais elle n’a aucune action en profondeur, elle ne nourrit pas l’être véritable, l’essence spirituelle qui s’est incarnée dans un corps physique. Pour retrouver le contact avec notre essence et évoluer spirituellement, il faut une "deuxième éducation" et l'évolution spirituelle ne pouvant se faire sous la pression des conditionnements, cette deuxième éducation se fonde sur la liberté. Ceci est un point extrêmement important : l'étape de la deuxième éducation n'est pas automatique, chacun en prend librement la décision. Celui qui est satisfait de sa vie et des idées qu’il a reçues par son éducation et ses expériences, celui qui se contente d’exister simplement, n’a aucune raison de chercher autre chose ! Celui qui ne sait pas ou ne veut pas savoir qu’il porte au fond de lui une essence non plus ne se mettra pas sur un chemin de connaissance. Ces états existent et il faut les respecter, et c’est la raison pour laquelle le chemin spirituel ne s’adresse pas à tout le monde. Il s’adresse à ceux qui veulent retrouver le contact avec leur nature la plus réelle.

La première éducation est celle que tous ont reçue là où ils ont été élevés, un peu comme on éduque un animal domestique : on leur inculque un certain nombre de connaissances et d'attitudes, et eux les appliquent ou ne les appliquent pas. Il faut laisser tout cela derrière soi et commencer à cultiver des pensées, des émotions et des attitudes de nature supérieure. Tant qu'on ne l'a pas compris alors qu'on s'intéresse au spirituel et aux spiritualités, on ne peut qu'errer sur des chemins de traverse qu'on prend pour le véritable chemin. 

L’être humain est dans une situation difficile et paradoxale. Toutes sortes de voiles forment sa vie et son destin : corps physique, pensées, émotions, vie familiale, relationnelle, professionnelle. Il n’est pas tout cela, mais il se prend pour tout cela ! Certains imaginent même que c’est la personnalité qui va pouvoir évoluer et s’éveiller, mais non : la personnalité ne peut qu’acquérir des choses terrestres et matérielles : physiques, corporelles, émotionnelles, intellectuelles, rien d’autre. Sa nature n’étant pas spirituelle, la personnalité ne peut rien acquérir de spirituel et ne deviendra pas spirituelle. Elle peut en donner l’image, comme chez les gens religieux qu’on croit spirituels : ils ont une personnalité religieuse, mais on ne sait pas ce qu’il en est de leur essence. Il en est de même pour tout le monde. 

Celui qui s’éveille à son esprit ne s’identifie plus à sa personnalité, il sait qu'elle n’est qu’un masque, une marionnette soumise aux conditionnements éducatifs et aux instincts animaux. Il regarde cette personnalité avec ses qualités et ses défauts, et son esprit décide librement de les utiliser dans ses relations aux personnes et aux situations.


Précisions sur l'esprit et l'essence

De par sa nature même, l’esprit n’est limité ni dans l’espace ni dans le temps, mais il se manifeste chez l'être humain dans l’espace et le temps terrestre sous la forme de l’essence. L’essence permet à l’esprit de continuer à évoluer grâce aux expériences qu'il fait au cours de nombreuses vies. Mais cette évolution est totalement inaccessible et incompréhensible pour la pensée humaine. C’est la raison pour laquelle ceux qui cherchent à comprendre l’univers avec leur pensée n'en finiront de chercher et ne trouveront jamais. Seul l’être humain qui entre en contact avec l’esprit peut percevoir et de façon immédiate (étymologiquement = "sans intermédiaire") la réalité des univers. Cette connaissance est absolue, mais il est impossible de transmettre cette réalité sans limites à des cerveaux limités, avec l’outil limité qu’est la pensée.
 

L'essence est porteuse de la mémoire des différentes vies. Cela signifie aussi qu’elle porte les conséquences de tout ce qui s’est passé au cours de ces vies et qu’elle connaît les conditions nécessaires à la réalisation de son destin au cours d’une nouvelle vie terrestre : elle s’incarne dans un corps physique particulier et un milieu particulier qui lui permettront de compenser un karma négatif du passé et de se réaliser davantage dans un mouvement d’évolution au diapason de la vie cosmique. 

La nature de l’essence est la même que celle de l’esprit, elle en a les qualités : amour, compassion, joie, sérénité. Mais, au cours de nombreuses vies, son état d’amour a été blessé, sa bienveillance n’a pas pu se manifester, sa joie a été refoulée et sa sérénité a été battue en brèche. L'essence porte ces blessures et, au cours de cette vie, elle va essayer de les réparer.

 

Les "petits moi"

Revenons à la personnalité, qui s'est progressivement construite sur les expériences et les traumatismes de l'enfant. Cette personnalité n'est pas unifiée. La 4e Voie de Gurdjieff dit que l'être humain vit dans une grave illusion : il croit être une individualité unique alors qu'il est multiple. Déjà, il est tiraillé entre les pulsions de son corps physique (besoin de parler, manger, bouger, besoin de sexualité), son psychisme (désir de gagner plus d'argent, d'avoir une plus grosse voiture, de plaire ou de séduire, de s'acheter une enième paire de chaussures, de partir en week-end ou de faire un repas gastronomique) et son esprit. Il est tiraillé entre ce qu'il veut et ce qu'il fait, ce qu'il pense et ce qu'il ressent. Vous savez bien que vous pouvez à certains moments aimer votre conjoint et à d'autres moins. Vous savez aussi que vous pouvez vous mettre en colère et vous comporter de façon brutale avec votre enfant alors que vous ressentez beaucoup d'amour pour lui. Vous savez que vous pouvez avoir décidé de perdre du poids et pourtant ne pas arriver à arrêter de grignoter toute la journée, que vous voulez être civilisé et pourtant agonir d'insultes le chauffard qui vous fait une queue de poisson, etc. Toutes ces contradictions entre ce que vous voulez et ce que vous faites, ce que vous pensez et ce que vous ressentez, sont liées à votre multiplicité, votre division intérieure. Vous êtes sans cesse tiraillés entre les multiples fragments de votre personnalité. Ce sont ces fragments qu'on appelle les "petits moi". Certains sont positifs ils sont un atout, ils ne vous posent aucun problème : le petit moi enthousiaste, le petit moi généreux, le petit moi attentionné, etc. Mais d'autres sont négatifs : le petit moi colérique, le petit moi jaloux, le petit moi avare, etc. et sont source de difficultés dans votre vie relationnelle et intérieure. D'autres encore sont tellement enfouis sous les voiles de vos illusions que vous les avez refoulés dans votre inconscient. 


La seule façon de se connaître réellement est par l’observation directe de soi et de ces multiples "petits moi" en soi. Il faut apprendre quoi observer, comment observer. Observer ses façons de bouger, de ressentir, de réagir constamment. Seule l’observation conduit à reconnaître la multiplicité de nos "petits moi" : le moi confiant, le moi courageux, le moi impatient, le moi arrogant… Chacun de ces "petits moi", à un moment, vient sur le devant de la scène en fonction des événements extérieurs et il nous dicte nos pensées, nos émotions et nos actions du moment, puis il disparaît pour laisser place à un autre moi. Sans que nous le décidions vraiment. Observez ce qui se passe dans vos journées : vous vous réveillez de bonne humeur, mais votre enfant a encore une fois laissé sa serviette trempée sur le sol de la salle de bains, et cela vous énerve. Vous prenez une bonne tasse de café et vous voilà rasséréné, puis votre voiture refuse de démarrer et vous perdez patience, mais quand vous voyez le magnifique lever du soleil, vous êtes plein de joie, etc. Vous passez (à votre insu) constamment d'un petit moi à un autre parce que vous vous identifiez constamment à votre vie extérieure, à votre personnalité, à votre corps physique, à l’image que vous voulez donner aux autres. Le véritable problème des "petits moi" est qu’ils dirigent votre vie alors que leur fonction initiale consistait à protéger votre essence. Pis encore, ils se manifestent le plus souvent à des moments inadéquats.

 

La base, le début et la fin du chemin intérieur : observer

Pour commencer à exister à partir de votre essence et de votre esprit, il faut d’abord arrêter de réagir à partir de votre personnalité et la seule façon de le faire, c'est d’observer comment elle fonctionne, ses réactions habituelles, ses attitudes mécaniques et automatiques. L'observation est la base, le début et la fin du chemin intérieur.  Observez votre façon habituelle de penser, d’avoir des émotions, des réactions, observez vos paroles, vos attitudes. Quand vous apprenez à connaître celui pour qui vous vous prenez ou que vous semblez être, grâce à votre observation directe de votre façon de bouger, de parler, de réagir aux situations ou aux autres, vous savez que vous n'êtes pas votre personnalité. Votre personnalité s’est construite autour de votre essence après votre naissance et vous devez la reconnaître, mais elle n’est pas vous. 

 

Décidez qui vous voulez être

Qu’est-ce qui fait qu’une vie est heureuse ou malheureuse ? Notre bonheur ou notre malheur dépend-il des événements extérieurs ou de nos états intérieurs ? Parfois, il est vrai, il y a correspondance entre les deux, mais ce n’est pas toujours le cas. Imaginons quelqu’un d’optimiste, de naturellement gai, qui a l’esprit d’initiative : quand un obstacle ou une difficulté se présente sur sa route, cela change-t-il quelque chose à sa vie intérieure ? Peu importe la difficulté (à moins qu’il s’agisse d’une catastrophe, mais il n’en arrive pas tous les jours), il la résout et passe à autre chose. Il lui arrive des ennuis comme à tout le monde, et pourtant, ces ennuis n’entachent pas son état intérieur et s’il arrive à garder son optimisme jusqu’à la fin de sa vie, on pourra dire qu’il a vécu heureux.

Le pessimiste, au contraire, celui qui a toujours matière à mécontentement, à critique, aura beaucoup de mal à surmonter les situations difficiles, qu’il va d’ailleurs aggraver encore par toute sa négativité, et même s’il lui arrive des choses heureuses, il ne devient pas plus heureux pour autant. 

Ces exemples un peu caricaturaux vous montrent que vous pouvez décider de celui que vous voulez être, vous pouvez décider de ne plus vous laisser emporter par un de vos petits moi. Vous pouvez décider de recevoir triomphes et défaites d'un même front, pour reprendre le célèbre poème de R. Kipling ("Tu seras un homme, mon fils"). Vous pouvez le décider, mais il est vrai aussi qu'un homme seul, une femme seule, ne peut pas faire grand-chose : pour avancer sur un chemin d'évolution spirituelle, on a besoin de l'aide des autres, notamment l'aide de ceux qui ont déjà parcouru ce chemin. En outre, seul un chemin spirituel vous donnera les informations et vous enseignera les pratiques nécessaires pour accéder à votre être véritable, votre essence, votre esprit. Cela, aucune technique de développement personnel, si géniale soit-elle, ne le pourra pas : elle nous pourra qu'enrichir votre personnalité.

 

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